HANDICAP

Il n'y voit plus, mais il est toujours dans la course

Gravement blessé dans une chute, le cycliste tarbais Laurent Huighe ne pensait pas remonter sur un vélo. Il vient pourtant de reprendre la compétition, en tandem, avec Jean Marot.

Il y a neuf ans, Laurent Huighe a cru que tout s'arrétait. Alors qu'il dispute un sprint final, il chute lourdement à quelques mètres de l'arrivée. Le jeune sociétaire du club de Colomiers ne se relèvera pas tout de suite. Son casque à lanières ne l'a pas suffisamment protégé. Le verdict des médecins est critique: traumatisme crânien avec l'apparition d'un kyste sur le nerf optique. La compétition est terminée pour Laurent; cet espoir du cyclisme a perdu la vue.

Pour ce jeune standardiste de la mairie de Tarbes, il n'était plus question de reprendre le départ d'une course. Mais c'était sans compter sur son amour pour la petite reine. « Je n'osais pas remonter sur un vélo jusqu'au jour où un ami m'a proposé de faire un tour en tandem; en 1994. »

La compétition en tandem

Un an plus tard, Laurent, sur cette étonnante machine, s'offrira le Tour des Pyrénées en trois semaines. Un an de plus et c'est le Tour de l'Andalousie.

Mais Laurent veut aller plus loin. Retrouver l'esprit de compétition. Sa rencontre avec Jean Marot, technicien à Alsthom, va lui permettre de passer à un braquet supérieur.

Jean est un sportif accompli. Ancien pilote de moto, il s'est mis au vélo sur le tard. Lui aussi est à la recherche de nouvelles sensations, plus physiques. « A vélo, je tournais un peu en rond; le tandem m'a redonné une motivation, des objectifs. » Car malgré le handicap de Laurent, les deux hommes sont avant tout des compétiteurs. « Je veux montrer qu'un handicapé peut faire du sport comme un valide. » Trois fois par semaine, ces tandémistes sont sur les routes de Bigorre. « En deux mois, on a effectué 1.500 km. » Pour Jean, rouler avec une personne handicapée ne change rien à sa performance physique: « Je ne me dévoue pas. Il n'y a aucune compassion pour Laurent. Nous sommes deux sportifs qui roulont ensemble, unis dans l'effort. » Le tandem exige une confiance absolue, une totale complicité entre le pilote et son équipier. « Il faut savoir apprécier les difficultés. Laurent, du fait de son handicap, ne peut y arriver. Tout ce que je pensais auparavant, dorénavant, je le dis. Je lui explique quand se relâcher ou s'il doit se motiver pour tenir le tempo. » Les tandémistes s'alignent dans toutes les cyclosportives nationales ou internationales. Dans le peloton, les réactions des coureurs ne manquent pas: marques de respect et encouragements dans les montées où le tandem est à la peine; moins gentilles dans les descentes où le tandem, plus lourd, quitte l'arrière de la course pour venir aux avant-postes.

Le cadeau de la fondation Casartelli

Mais c'est sur le bord des routes que Jean et Laurent puisent leur motivation. Leur passage déclenche les acclamations du public.

Cet été, deux courses auront une saveur particulière pour Laurent. La Fabio-Casartelli, qu'ils disputeront en France en juillet, et son homonyme italienne, en août; nom donné en l'honneur du coureur décédé lors d'une étape du Tour de France. Emue par l'accident du jeune Tarbais, la fondation Casartelli lui a offert son tandem de compétition.

Avec cette machine fabriquée sur mesure, la formidable leçon de vie que démontrent Laurent et Jean, à chaque tour de roue, peut se poursuivre longtemps.

Patrick GUERRIER